Ma pagaie groenlandaise Bois-Carbone

 Dans la constante recherche de la pagaie idéale, j'ai fait appel aux propriétés du carbone pour atteindre mes objectifs.

Mon cahier des charges: une bonne prise en main, une efficacité sur les longues distances, un poids sous le kilogramme, une légère souplesse pour ménager mes articulations, une surface et des cotes adaptées à ma pratique et ma morphologie. Une garantie de solidité pour la sécurité.

L'avantage de fabriquer sa propre pagaie est bien sûr de se rapprocher de ce que l'on recherche et qu'on ne trouve pas dans le commerce, même si de très belles et efficaces pagaies existent chez divers fabricants. Mon budget est aussi un moteur.
Mais ma plus grande joie est de voir apparaître l'objet, après y avoir songé la nuit, fait des croquis sur mes carnets, coupé, collé, taillé, poncé...

J'adore le coté vivant et riche des veines du bois quand il est huilé ou vernis.
Mais je ne refuse pas les apports possibles des matériaux modernes comme les stratifiés.
Et s'ils restent discrets mais présents structurellement, c'est encore mieux !

Le red cedar, est ma base. Le robinier (souvent appelé acacia), pour protéger des chocs. Ainsi qu'un bois exotique léger (présent dans mes stocks) pour le pain du sandwich...

 Cette fois, j'ai réduit la longueur des renforts en bout de pale. La chasse aux kilos est ouverte.

Les renforts sont collés à l'époxy chargée de fibre de cellulose et teintée.
L'âme est constituée d'une tranche de bois exotique, une couche de fibre de carbone (taffetas 200gr), une tranche de red cedar, carbone et bois de nouveau, le tout le long d'un profilé aluminium pour rester le plus droit possible.
L'excédent est supprimé (avec un vieux rabot) pour retrouver une section rectangulaire régulière.


Les demi-pales sont collées sur l'âme, avec serre-joints, et scotchs. Il va falloir investir dans des serre-joints...


Une couche de fibre de carbone est stratifiée sur la partie manche, perpendiculaire aux premières couches de carbone, et en contact avec elles. Un caisson carbone est ainsi constitué. Il devient très efficace pour un poids minimum. Une tranche red cedar vient presser tout cela.
Pratique. Je peux moduler les différentes épaisseurs facilement avec ce procédé.


On voit assez bien les multiples collages et différentes couches ( humour pour la couche qui attend les semis de printemps...)

Avant de tailler dans le vif, la pagaie est oubliée quelques heures. 


Les deux tranches non identifiés de bois exotiques (plus blancs), de l'âme mesurant juste deux mètres, j'ai ajouté des rallonges en red cedar. Ce sera beau et ça m'arrange...
La pagaie finie est proche des 2m25.
Les renforts de bout de pales sont collés eux aussi après avoir bien égalisé les extrémités de la pagaie.

 Comme il y a du stratifié époxy carbone dans la "bûche", les beaux rabots et wastringues sont épargnés. Leurs tranchants seraient émoussés. Un vieux rabot est dédié à la phase de dégrossissage, puis la râpe vient finir le travail de mise en forme.

A ce propos, un grand intérêt de la pagaie groenlandaise sont ses qualités en godille et le fait d'être toujours opérationnelle, quelques soient les circonstances.
J'aime pouvoir attraper la pagaie, sans la voir, et savoir qu'elle va répondre à mes sollicitations sans mauvaises surprises. Si mon appui ou mon esquimautage d'urgence ratent, ce ne sera pas à cause d'elle...
Mes préférences vont vers une pale assez arrondie pour une godille plus aisée, une largeur de 9 cm pour bien tenir dans ma main. 8,5 cm est courant et bien pour les mains plus petites. 
Les épaulements entre pales et manche sont moins pentus que sur mes précédentes pagaies. Un épaulement plus marqué me rassurait au début, pour bien sentir les déplacements de la pagaie, en position d'appuis, mais sur les longues distances, je trouvais cela un peu agressif pour les mains.
Question de goût.



Manolo, un expert de la groenlandaise marque ses pagaies sur le manche, pour avoir un repère visuel. S'il ne le voit pas en pagayant, c'est que la position est bonne, les bras bien placés, la trajectoire de la pagaie optimale.

J’aie beaucoup apprécié ses enseignements et comme je cherche à être le plus zen possible sur l'eau, que c'est un peu mon motif fétiche, qu'il est présent à la proue de mon kayak bois, il était naturel de le voir ici.

En passant, on voit les couches de carbone.



La mer est bien agréable mais assez agressive pour le matériel. J'ai opté pour une finition à l'époxy diluée d'acétone, pour parfaire les collages et masquer les imperfections.
Puis une couche de verni marin pour protéger des UV. Le ponçage final reste satiné pour que la pagaie ne soit pas glissante.

Le red cedar prend sa belle couleur et les contrastes apparaissent. J'adore !
L'usage m'a conforté dans mes choix. La souplesse mais aussi la résistance sont conformes à mes attentes. Le manche de plus gros diamètre est plus confortable pour le creux entre mon pouce et la paume.

Elle pèse un kilogramme, pour une pagaie de cette longueur (2,30m) et de ce diamètre, c'est bien. On doit pouvoir faire plus léger, mais pour le moment, ça me va.

Mais surtout, les sensations sont au rendez-vous !
Très agréable en godille, parfaite en esquimautage, douce en navigation, pas laide à regarder pendant des heures de pagayage...

Une prochaine aventure serait la "tout carbone" mais pour le moment, je trouve le bois en accord avec l'esprit de cette pagaie "traditionnelle".
J'ai fait des pagaies "européennes" tout carbone. On obtient d'excellents résultats. C'est une piste tout à fait valable en dehors de toute discussion dogmatique...

Mais en attendant, elle me tend les bras. Ah, non, pardon, c'est à moi de tendre mes bras un peu plus...


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