Fabriquer une pagaie groenlandaise

En Norvège, autour de Senja

Fabriquer son propre kayak, apprendre à naviguer avec lui et découvrir mille lieux sur les mers est une aventure extraordinaire. Parti dans cet élan, je me suis mis à fabriquer tout ce qui tourne autour du kayak...
Dont les pagaies...

J'ai commencé par des pagaies "européennes" en bois, puis en fibre verre, puis carbone.
Mais prenant goût pour la pagaie "groenlandaise", je me suis mis à en fabriquer aussi.

Ayant fait une présentation de cette pagaie lors d'une journée "sécurité", beaucoup de monde m'a demandé comment elles étaient faites.
Alors, en ces temps de confinement, c'est le moment de détailler et d'honorer mes promesses...

Pour celle-ci, je voulais essayer le mariage de différentes essences. 
Le Red Cedar pour sa légèreté et sa résistance en milieu humide. Le Douglas pour ses qualités mécaniques et le châtaigner  pour sa dureté et sa capacité à bien vivre un trempage régulier...
J'ai débité mes éléments à coller. 
Le principe est simple et pratique pour le façonnage ultérieur.
L'âme est constituée d'un sandwich red cedar - douglas - red cedar, sur laquelle sont collées les pelles, plus larges en red cedar, avec les renforts en châtaigner pour protéger des chocs.
On voit bien la colle polyuréthane ressortir autour du douglas plus rouge et le red cedar plus jaune. Il peut y avoir beaucoup de nuances avec le red cedar...

Pendant que l'âme sèche, une rainure est pratiquée sur les demi-pelles pour y encastrer les renforts en châtaigner. Un guide en bois a dû être construit pour  tenir la scie circulaire, n'ayant pas l'outillage idoine (toupie).

C'est au tour des pelles d'être collées à l’époxy chargée de fibre de cellulose et teintée. Quand les surfaces contact sont faibles ou très sollicitées, je préfère l'époxy. Je peux faire varier l'épaisseur de "la colle" et sa teinte. J'utilise la Sicomin SR 5550 parfaite pour le bois.

Ça commence à ressembler à une pagaie !

On distingue bien les différentes essences et leur agencement.

 Les extrémités sont rectifiées à la râpe puis à la lime pour être aux côtes et avant le collages des renforts  (pour tuer le phoque...*).

 Ayant trouvé la jonction pelle/manche un peu juste, un petit triangle de red cedar est ajouté pour adoucir le raccord et masquer la rainure avec le châtaigner.

La pagaie est amincie au rabot et au wastringue (petit outil bien pratique ).
Puis égalisée à la ponceuse portative.
Les renforts sont collés à l'époxy chargée. 
Pour la petite histoire, le morceau de châtaigner m'a été offert par la scierie où j'ai trouvé le red cedar. C'était un bout informe, invendable mais si précieux pour ma pagaie...

En général, je commence à travailler la forme par les pales pour arriver au manche qui reste longtemps rectangulaire, puis octogonal pour être ovaliser à la fin.

Avant la finition, je passe une éponge humide pour lever les fibres du bois. Je laisse sécher et je passe une dernier coup de papier de verre fin.
La pagaie a été huilée de multiples fois avec un mélange d'huile de lin et de térébenthine. La proportion d'huile est augmentée au fil des passages.

Pourquoi avoir mélangé différentes essences ?
Le red cedar est un bois léger, magnifique, mais pas si solide. Ayant cassé des pagaies dans différentes circonstances, je voulais assurer avec un insert en douglas, plus lourd mais bien plus costaud. Le châtaigner pour éviter que la pale ne se marque sur son bord fin. Le red cedar que j'avais se marque avec l'ongle...
J'obtiens ainsi la souplesse idéale que je recherche.

On trouve beaucoup de plans sur le net et chacun va préférer une forme et des côtes personnelles, mais si on me demande, je mettrai les dimensions et les références dont je me suis inspiré. 
J'ai tendance à aller vers des manches plus gros qui me font moins mal aux articulations.

Ma dernière est en sandwich bois-carbone mais c'est une autre aventure...

Alors à vos rabots, c'est si agréable de naviguer avec "sa pagaie"...

* et tuer le phoque: c'est bien sûr une image pour illustrer la façon de plonger la pagaie dans l'eau.